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13 septembre 2021Monsieur Goyty, racontez-nous les prémices de votre carrière ?
C’était en 1969, j’avais alors 17 ans et je me suis lancé dans un CAP plâtrier à Bayonne. Après une première expérience professionnelle au sein d’entreprises locales, me voilà à 20 ans en route vers le passage obligatoire à l’époque qu’est celui du service militaire. Sorti de l’armée française, j’ai souhaité perfectionner mes compétences professionnelles avec un CAP carreleur et staf à Rodez.
Vos diplômes en poche, qu’avez-vous entrepris ?
Je suis natif du Pays basque et c’est tout naturellement que je suis revenu sur les terres de mon enfance pour travailler au sein d’entreprises locales. Le travail était dense et les jeunes de ma spécialité étaient très recherchés. J’ai donc été employé au sein de plusieurs entreprises à Bayonne et sur la côte basque jusqu’en 1979. Puis, mon beau-père, marchand de bestiaux et agriculteur à l’époque, est venu me débaucher.
Du plâtre vous passez à la vente de bestiaux ; changement radical étonnant ?
Oui, cela a duré près de deux ans et demi. Nous vendions des bestiaux, principalement des chevaux et des brebis. Un intermède assez étonnant quand j’y pense aujourd’hui ; mais, grâce auquel j’ai énormément appris. Mon beau-père était un homme à la fois dur et très droit ; il me fait penser à Jean Gabin dans « Le patriarche ». Notre relation était bien plus fusionnelle, tel un père et son fils. Une chance de le voir me considérer autant. Ce qui n’était pas le cas de ma belle-mère… [ rires ] et nous a donc amené à cesser notre collaboration. A cause ou grâce à elle, je ne sais pas, j’ai pris mes affaires et je suis parti alors même que nous construisions une maison avec la mère de mes quatre enfants.
Et alors ?
Je suis alors venu me promener à Bayonne, à la rencontre des anciens, d’amis entrepreneurs et c’est ainsi que j’ai démarré une nouvelle carrière en tant que sous-traitant, un vrai tâcheron. Je me souviens de notre premier chantier pour lequel je faisais quotidiennement des allers-retours entre Capbreton et Méharin, soit deux heures de route en 2CV.
C’est donc le début de la grande aventure Jean Goyty, seul ?
Tout à fait. Après avoir ressorti ma caisse à outils, astiqué tout ce que j’y conservais, j’ai repris la route des chantiers. C’est alors le 1er juin 1981 que née l’entreprise Jean Goyty, installée à Méharin, chez moi. J’étais jeune et très courageux. Notre premier chantier était à Capbreton donc. Il s’agissait d’un garage dont le propriétaire, Monsieur Bermans, était le beau-fils d’un de mes amis plombier. C’est grâce à lui que j’ai décroché ce premier contrat pour réaliser toute la plâtrerie et le carrelage, dans le garage ainsi que dans les bureaux.
Le métier était-il le même que de nos jours ?
Le placo commençait à s’installer dans les constructions parisiennes. Ici, nous travaillions toujours une plâtrerie plus traditionnelle autrement dit en montant des murs en briques que nous venions recouvrir d’un enduit de plâtre. Existaient les carreaux de plâtre mais j’ai toujours détesté ça ; une vraie cochonnerie !
Nous aimerions connaître la suite de l’histoire…
Je suis alors parti à la recherche de clients en faisant du porte à porte avec un avantage en poche : celui d’avoir un savoir-faire en carrelage et en plâtre. J’avais donc déjà un joli volume de travail. A partir de 1986, je me suis intéressé à des chantiers plus importants et j’ai commencé à recruter.
[Quelques secondes de silence. Monsieur Goyty sort alors un vieux registre et en parcourt les premières pages]
Voilà Bernardin Erecart, j’ai retrouvé les premiers bulletins de salaire. Nous nous sommes perdus de vue mais il était plâtrier. J’ai ensuite embauché deux plâtriers carreleurs, originaires de Mauléon. J’avais alors 33 ans et nous nous développions. Nous avons, à cette époque, commencé à réaliser des immeubles.
Était-ce une volonté de vous orienter vers de plus gros chantiers ?
Non, pas spécialement, ce sont les rencontres qui nous ont amené vers ce type de chantiers. Cependant, il fallait se battre car la concurrence des grandes entreprises était rude. Nous étions au début des années 1990, et alors que nous avions la chance d’enchaîner les beaux chantiers, nous avons connu la crise. Pour exemple, un promoteur avec lequel nous devions réaliser cinq chantiers a finalement décidé d’en attribuer trois à un concurrent venu pleurer dans ses jupons. Je me retrouvais quasiment sans chantiers car nos deux premiers immeubles étaient finalisés. Je n’ai donc pas eu le choix que de repartir à la recherche de contrats et c’est ainsi que nous avons signé celui de la clinique Saint-Etienne à Bayonne et l’école de Bardos ; notamment grâce au maire de l’époque. Une aubaine car cette école était en fait un énorme complexe.
Cette mésaventure, notamment dû à la crise, vous a permis d’évoluer vers des compétences plus techniques ?
Tout à fait, nous avons dégoté des chantiers plus compliqués, plus techniques notamment avec des contraintes de sécurité, de protection contre les incendies et d’isolation contre le bruit. Nous ne nous sommes plus contentés de travailler pour des particuliers et avons alors conçu des bureaux, des établissements de santé tel que l’hôpital de Bayonne, des hôtels, des collèges, des lycées, des commerces…
Étiez-vous formés pour réaliser ce type d’ouvrages ?
Absolument pas, mais nous avions ce que l’on appelle le culot, beaucoup de culot ! Nous nous sommes remis en cause, avons travaillé sans relâche et avons, avec nos fabricants de produits, étudié les dernières techniques. Nous avons été des précurseurs dans la région. En 1991, je me souviens notamment du drame de l’incendie de Barbotan. Dès ce jour, de nouvelles normes de sécurité sont devenues obligatoires et nous avons eu beaucoup de demandes de désenfumage, des gaines de désenfumage et de protection contre le feu. Nous nous sommes donc spécialisés dans ce domaine, non sans quelques difficultés. J’étais très curieux de toutes les nouveautés en la matière et nous avons souvent introduit les nouvelles techniques sur des chantiers régionaux. Étant les premiers, la concurrence a souvent suivi mais nous gardions ce gage de premier !
Vos équipes évoluaient-elles en même temps ?
Oui, toujours. Cela a toujours été le but premier de l’entreprise : former les équipes. Nous étions environ une dizaine dans l’entreprise à cette période et je comptais une majorité de jeunes.
Peut-on dire que ce fut une belle période pour l’entreprise Jean Goyty ?
Oui et non. Ce fut surtout une période difficile. En 1994, je décide d’acheter de nouveaux locaux afin de nous recentrer sur Bayonne où nous avions la majorité de nos contacts. Mais, la crise était toujours bien présente et les chantiers de plus en plus rares. Nous avions donc nos nouveaux locaux mais plus un sou. Nous souffrions ; à tel point que le banquier nous a interrogé sur la suite…
Arrivés à Bayonne en 1996, l’entreprise explose. Lorsque les gens ont appris que notre dépôt était maintenant sur Bayonne, cela a changé considérablement les choses.
Vous attendiez-vous à une telle réussite en déménageant ?
Non, pas autant du moins. Pour vous donner un exemple, l’école Largenté est devenu l’un de nos clients grâce à notre déménagement. Cette proximité nous permettait d’intervenir dès que le problème se présentait. En ce temps-là, lors des tempêtes notamment, les dalles de plafond se soulevaient facilement et Sœur Marie-Pierre faisait appel à nous. Nous passions donc dans les classes pour remettre ces dalles à leurs places. Aujourd’hui encore, Largenté fait partie des clients de l’entreprise Goyty.
Vous vous êtes alors fait une place de choix dans le secteur ; les collectivités et les entreprises connaissent et reconnaissent votre entreprise ?
Oui. Ce fut une époque durant laquelle nous avons beaucoup développé notre carnet clients, notamment avec des établissements de santé, des bureaux, des restaurants, des magasins, des établissements scolaires.
Avez-vous alors mis de côté les chantiers demandés par des particuliers ?
Non ! Nous en réalisions moins mais nous avons toujours eu des particuliers comme clients. Je savais aussi qu’en période de crise comme celle que nous étions en train de traverser, les particuliers ne cessaient de nous faire travailler.
Nous voilà en 1996, l’après crise, qu’en est-il pour l’entreprise Goyty ?
Je me souviens que nous étions invités au salon du bâtiment à Paris par les fabricants de matériaux. C’était une belle époque. Je me rappellerai toujours d’ailleurs du jour où l’entreprise Knauf nous a prévenu de notre entrée dans une période faste. Et, en effet, nous avons connu plus d’embauche et de travail.Je ne vous ai pas raconté mais c’était en 2001, la maison Placoplâtre organisa un concours des réalisations techniques autour des plâtres teintés. J’ai alors souhaité y présenter notre réalisation de l’hôtel des frères Ibarboure à Bidart. Nous finissions sur la première marche du podium, le premier prix d’Aquitaine pour la section plâtre en poche et nominés pour Paris. Cinq projets furent présentés et nous étions plus de 1000 invités. Même si nous n’avons pas était vainqueur à Paris, ce fut une belle reconnaissance. J’étais souvent en réunion avec nos fabricants et invité à leurs soirées. A force, tout le monde me connaissait mais pas en tant que l’entreprise Goyty, plutôt comme le bayonnais, ou le basque !Ce fut une époque charnière pour nous car notre métier fut réellement reconnu. L’entreprise ne cesse de s’accroître. Lorsque je passe le relais, l’entreprise compte trente-huit employés et une vingtaine de sous-traitants et d’intérimaires.
Arrivez-vous à faire perdurer cette philosophie de la formation qui vous tient à cœur ? Avez-vous, malgré l’évolution rapide du métier, réussi à garder un certain niveau de qualité ?
Oui ! Premièrement, j’ai cherché des bons, des bons compagnons que je savais capables d’évoluer dans ce métier. Cela a toujours été ma politique : trouver de bons collaborateurs, les garder et les former. L’entreprise compte beaucoup d’anciens. Le meilleur exemple est Mikel Martiarena, aujourd’hui directeur général de l’entreprise. Je l’ai recruté tout jeune, en intérim. J’ai commencé par le déformer pour ensuite le former. Mikel était un amoureux de la fête, il a donc fallu le déformer un peu… Mais, j’ai avant tout détecté son potentiel. Il a participé à de nombreuses formations comme celle de conducteur de travaux à Toulouse ou celle de Management à la CCI de Bayonne.
Et, avec toutes ces formations en poche, ces nouveaux diplômés ne postulaient pas dans d’autres entreprises ?
Lorsque je les envoyais en formation, ils devaient alors s’engager cinq ans dans notre entreprise. C’était la règle du donnant-donnant. J’investissais sur eux, en retour, ils devaient s’investir au sein de l’entreprise. Au début, certains trouvaient cela exagéré mais finalement, beaucoup signaient et la majorité restait bien au-delà des cinq ans [sourire].
Les employés faisaient preuve de beaucoup de reconnaissance pour l’entreprise, et inversement.
Nous arrivons aux dernières années durant lesquelles vous étiez à la tête de l’entreprise ?
Oui, des années dures car nous devions combiner entre la vente de l’entreprise et de gros chantiers en cours comme la clinique Capio à Bayonne, que nous avons co-réalisé. S’est enchaîné le chantier IKEA à Bayonne puis l’extension du centre commercial BAB2 à Anglet. Des chantiers très techniques d’ailleurs. Mais nous étions qualifiés. Années après années, j’ai fait valider nos chantiers, nos réalisations et nous étions donc référencés, labellisés aptes pour ce type de travaux. Je me souviens dans le temps, pour la clinique Saint-Etienne, j’ai cru voir ma vie prendre fin. C’était un chantier très important à l’époque sur lequel nous nous sommes fait contrôler. L’intensité de mon travail était énorme et je n’étais pas assez entouré, ou je n’avais pas réussi à le faire. Il nous restait deux mois et personne ici ne souhaitait m’aider. Ils savaient tous que les fusils étaient pointés vers moi, près à m’achever si je ne finissais pas ce chantier dans les temps. Malgré la pression, j’ai réussi à dénicher une entreprise landaise prête à nous apporter son aide. Depuis cette époque, je n’ai fait aucun cadeau à personne. Rendez-vous compte, je prenais 250 000 francs de pénalité par jour de retard ; et l’entreprise ne valait pas plus cher…[silence]
Nous parlons de gros chantiers que la nouvelle équipe réalise encore aujourd’hui, comme l’Hôtel du Palais, rénové dernièrement à Biarritz ?
Oui. L’Hôtel du Palais est un client très ancien de l’entreprise, depuis près de 20 ans. L’ancien directeur, Jean-Louis Limbasher, me faisait confiance. Un homme dur avec lequel j’ai connu quelques accrochages, notamment lorsque j’ai défendu son architecte. Ce qui nous a valu une discussion virile mais très correcte. Après avoir solutionné son problème à l’époque, et malgré la concurrence, Monsieur Limbasher ne faisait appel qu’à notre entreprise. Une réelle reconnaissance. C’était un bon, un très bon.
Et puis, arrive votre départ. Quelles en ont été les raisons ?
J’avais 65 ans, j’étais fatigué. Et l’opportunité s’est présentée. Je préparais Mikel pour prendre ma suite. Nous avions une relation particulière et je voulais lui céder des parts. Il avait un caractère bien trempé, un nom et surtout la société dans le sang. Cependant, je savais que cela serait difficile de le faire seul.Puis Bernard, un soir de match de l’Aviron Bayonnais, est venu à ma rencontre me faire savoir que le jour où je souhaitais passer la main, il serait intéressé. Je lui ai alors répondu tel quel :« Cela tombe bien. Je vais te dire quelque chose. Je suis en train de former un jeune de l’entreprise. Il faut que j’en parle avec lui ». Mikel était plutôt septique au départ, voire un peu froissé. Surtout que ces deux-là ne se connaissaient pas. Il y a eu la rencontre et ils ont commencé à travailler ensemble.J’ai fait l’union et la passation. Aujourd’hui, c’est un duo très complémentaire. Bernard s’occupe de la partie financière. Mikel des chantiers et des équipes, il est vraiment très doué sur les chantiers. A eux deux, ils forment un réel binôme pour gérer ensemble l’entreprise Jean Goyty.
L’histoire est belle, très belle.
Pour vous, à quoi devez-vous la réussite de l’entreprise Jean Goyty ?
Avant tout, au travail. Énormément de travail et de rigueur. Il nous est arrivé de faire 856 heures de travail en une semaine. Nous travaillions, jour et nuit, pour finaliser notamment la maison de Monsieur Lagerfeld. C’était un pari. Et étonnamment, pour ce chantier, les confrères bayonnais et biarrots toqués tous à ma porte me proposer leur aide… La vision des concurrents avait changé. Une belle publicité se profilait à l’horizon. Une réussite que nous devons aussi aux délais et à la qualité du travail livré.
Et, je me suis aussi toujours inspiré des meilleurs. Je participais à tous les beaux rassemblements du Pays basque, surtout dans le sport à l’Aviron Bayonnais, mon club de cœur, avec le rugby et le football, mais aussi au Biarritz Olympique. Monsieur Arrostegui, actionnaire du Biarritz Olympique à l’époque, a su me dire :
« C’est bien Monsieur Goyty, vous avez l’esprit ouvert ! » [Rires]
J’ai tout appris sur le terrain. J’étais curieux. J’ai regardé les meilleurs pour m’en inspirer. J’ai pris exemple sur eux. Comme Beñat Etchart, Patrick Luby ou encore Patrice Barré, des hommes et des personnages que l’on retrouvait partout. J’ai donc fait de même, à mon niveau. J’ai démarré en achetant des places en tribune ; puis j’ai acheté quelques actions. Et petit à petit, la reconnaissance a fait son bout de chemin et j’ai conclu de nouveaux marchés.
Si vous deviez ne retenir qu’un chantier sur votre carrière, lequel serait-il ?
La maison de Monsieur et Madame Peronin à Bidart. C’était une maison compliquée, il fallait y marier l’ancien et le moderne. La maison se trouvait dans un très beau parc et la propriétaire voulait qu’elle ressemble à une maison ancienne. Nous avons donc dû utiliser du placo que nous avons par la suite recouvert de plâtre pour lui donner ce côté « construction ancienne ». Ce fut une très belle réalisation qui m’a marqué de par l’exigence du client et la fierté du résultat !
Un dernier mot pour Bernard et Mikel ?
Ne perdez pas de vue la philosophie que j’ai porté toutes ces années. Et continuez de développer l’entreprise, de faire évoluer les hommes et femmes qui font l’entreprise, dans le respect. Car sans eux, l’entreprise n’existerait pas. Il faut reconnaître que depuis trois ans, ils le font bien ! Vous savez, lorsque l’on fait le choix de prendre un jeune sans spécialité, qu’on le forme et qu’on voit le résultat aujourd’hui, c’est très gratifiant ! Et c’est une aventure très enrichissante. C’est la transmission !